En immersion avec L’Handifan Club OM

Plongée dans les coulisses du groupe de supporters à l'occasion de la dernière rencontre de l'année voyage au coeur du Handifan Club OM.

D'ordinaire si discret, le Handifan Club OM est sorti du bois juste avant le déplacement à Lyon. Le président, René Poutet, avait poussé un coup de gueule dans nos colonnes, alors que la Préfecture du Rhône privait le groupe de supporters du match au Groupama Stadium. À l'occasion de la rencontre suivante contre Troyes, loin de la polémique suscitée quelques jours plus tôt, le HFC a accepté de nous montrer les coulisses de l'accueil des supporters handicapés au Vélodrome.

La nuit tombe, les métros s'arrêtent puis redémarrent à Dromel et les voitures klaxonnent sur le boulevard Schloesing. Dans ce joyeux bordel, René Poutet fait l'appel. C'est sur le P7, parking ouvert situé à 200 mètres de la tribune Ganay, que le président du groupe de supporters créé en 2004 siffle le coup d'envoi à 17h50. Trois heures avec le match, celui des bénévoles du Handifan Club a déjà commencé. Les cigarettes s'allument, les sourires aussi. La tension des grandes affiches n'est pas là : l'atmosphère est à la fête, c'est de saison. Cet OM-Troyes programmé à 20h50 au milieu d'une semaine glaciale n'attire pas les foules, mais cela n'empêchera pas la petite trentaine de bénévoles de remplir sa mission avec sérieux.

"On rentre 20 minutes avant l'ouverture des portes pour effectuer les derniers réglages", expose Poutet. L'inspection va de la propreté des toilettes au fonctionnement des télés dans les zones réservées aux handicapés. À chaque problème ou presque, un coup de fil est passé à Florence Haezebrouck, employée à la sécurité de l'OM, qui s'occupe de le régler. David Moussy, vice-président du groupe depuis "six ou sept ans" ("quand on aime on ne compte pas"), estime que le Handifan est "très écouté par le club". Une entente réciproque essentielle pour le bien-être des 492 abonnés, qui subissent de nombreux dysfonctionnements dans leur stade fétiche.

Dans un Vélodrome vide, Poutet et son "bras droit" Moussy font visiter les quatre territoires du HFC (Ganay Nord et Sud, au 5e étage, Ganay R, au 2e niveau et Jean-Bouin AB, au 1er). Une voiturette électrique, pour se déplacer entre les tribunes, est mise à disposition par l'OM. Le téléphone de l'association, lui, ne cesse de sonner. Parfois au grand dam de son propriétaire septuagénaire, qui passe un savon à son interlocuteur : "Je vous donne deux minutes pour régler le problème". Explication de texte : "Il y a des situations rocambolesques à chaque match. Là, il y a un supporter dont la carte d'abonné ne passe pas qui se voit refuser l'entrée par un stadier. Il n'a qu'une jambe, on ne va pas le laisser deux heures debout." Avec l'aide d'Haezebrouck, la situation est gérée en cinq minutes. Pile à temps pour assister au début d'OM-Troyes.

La rencontre n'intéresse pas vraiment David Moussy, qui grille blonde sur blonde et surveille ses ouailles. "De temps en temps je regarde le terrain quand même, sourit-il. J'ai une entreprise, une femme, un enfant, mais à un moment tu te dis 'qu'est-ce que je peux faire pour aider les autres ?'. Parfois je n'ai pas envie de venir au stade ; en retour tu sers à quelque chose." Rolando et Mandanda n'ont, eux, pas été d'une utilité folle pour leur équipe sur l'ouverture du score de Bryan Pelé. Stupeur au 2e étage en Ganay, où Charles vibre à chaque tir marseillais et s'époumone : "Il faut égaliser là !" Dimitri Payet a pris note et a bien suivi le conseil du Handifan. Ce n'est pas encore du niveau Ligue des champions mais Yvette, amoureuse de la C1, ne regrette pas d'être venue : "J'étais du déplacement à Munich (finale contre l'AC Milan, en 1993) et j'ai fait toute l'Europe depuis 30 ans. Je suis un peu nostalgique de la grande époque mais c'est bien d'être là, même contre Troyes. On est supporter ou on ne l'est pas !"

René Poutet, lui, entre deux analyses caricaturales sur l'apport de Bouna Sarr, décide de faire un tour au 5e niveau. "Il fait froid mais l'ambiance est chaude ici", s'amuse Luc, bénévole. Le moment choisi par Luiz Gustavo pour libérer tout un stade. Malheureusement, les Handifan n'ont plus l'occasion de fêter les buts olympiens tous ensemble. La séparation en plusieurs zones est le gros point noir de la nouvelle configuration du Vél' : "Avant les gens qui venaient disaient'on est plus handicapé parce qu'on est ensemble'. Il y a des gens qu'on ne voit plus à cause de ça", confirme le président du groupe. L'OM réfléchirait à améliorer la situation.

Le troisième but de Valère Germain soulage encore plus les aficionados handicapés, qui quittent l'enceinte du boulevard Michelet le coeur léger. En raison de l'affluence faiblarde, le 5e étage se vide totalement dix minutes après le coup de sifflet final. "Quand on est 80 à ce niveau, on pourrait presque fermer le stade quand le dernier membre sort", ironise Poutet. Les ascenseurs, qui ne peuvent accueillir que deux fauteuils, ne sont pas un frein ce soir-là. Après des heures de travail, il est grand temps de s'inquiéter des résultats des rivaux de l'OM. Échange entre le bénévole Thully et René : "Combien ils ont fait Lyon ? - Ils ont gagné, mais il paraît qu'ils ont encore obtenu un penalty imaginaire. - Faudra demander à Daniel Riolo son avis vu que c'est la référence..." Petite pause pour ménager son effet. "Non, je déconne."

Retour sur le P7, il est l'heure de se dire au revoir et de se souhaiter de bonnes fêtes. Robert Congiusto, l'autre vice-président de l'association, file chez lui pour se repasser la rencontre. Son rituel d'après-match. "Je n'ai vu aucun but ce soir." René, lui, attend les derniers départs en savourant un sandwich steak frites bien mérité. "Ça peut arriver que des voitures tombent en panne ou que des handicapés s'égarent, explique Jacqueline, épouse Poutet et secrétaire du HFC. Une fois, y en a un qui s'est perdu et qui a dormi sur un banc à Pont-de-Vivaux." Pas d'incident de ce genre cette fois, les habitués du Handifan Club quittent le parking avec le sourire. Grâce à la nouvelle victoire à domicile des hommes de Rudi Garcia, mais aussi, pour sûr, au dévouement de la bande à René.

Ludovic Ferro